L’accord entre Kigali et Londres pour accueillir sur le territoire rwandais des migrants et demandeurs d’asile de diverses nationalités acheminés du Royaume-Uni remet-il en cause le modèle économique et de gouvernance du pays de Paul Kagame, comme le pense une portion de l’opinion ?
Hostilité envers l’accord
Les organisations internationales des droits de l’homme telles que le Haut Commissariat pour les Réfugiés (HCR) et le Human Rights Watch ont dénoncé une sous-traitance de la question migratoire, suite à l’accord signé ce 4 avril 2022 entre Rwanda et le Rwanda et le Royaume.
A l’intérieur des frontières du Rwanda, comme l’opposition britannique qui qualifié le projet d’« inhumain », l’opposition rwandaise, a également émis jeudi ses vives réserves vis-à-vis de l’accord. Pour l’opposante Victoire Ingabire, du parti Dalfa Umurinzi (le parti Développement et Liberté pour tous) « Les autorités rwandaises devraient se concentrer sur la résolution des problèmes politiques et sociaux qui poussent les Rwandais à chercher refuge à l’étranger avant de proposer d'”accueillir des réfugiés ou des migrants d’autres pays ».
Ce même son de cloche est perçu au sein de la presse occidentale où, à tour de rôle, Organisations Non Gouvernementale et société civile, s’érigent contre la nouvelle politique migratoire du Royaume-Uni en la qualifiant de barbare.
Un coup politique et une opportunité économique
Afin de défendre l’accord, Priti Patel, ministre britannique de l’Intérieur, et Vincent Biruta, le chef de la diplomatie rwandaise, ont signé ce lundi 18 avril 2022, une tribune commune dans les colonnes du Times.
Selon les justifications des deux ministres, l’accord signé fournira des « moyens légaux, sécurisés, organisés et contrôlés pour améliorer la vie des gens ». Pour cela, il combattra « à la racine » le problème migratoire en « perturbant le modèle économique des gangs du crime organisé, et en dissuadant les migrants de mettre leur vie en danger ».
En effet, l’accueil et l’intégration des migrants déboutés par Londres sont une opportunité politique et économique, vue de Kigali. Politiquement, les officiels voient à travers ce projet, un moyen de polir davantage l’image du pays à l’International. Le Rwanda n’est pas une nation à laquelle on pense spontanément quand on évoque le dossier des migrants, et ceci, bien que la longue expérience du pays en la matière. De ce fait, le pays situé en Afrique de l’Est veut s’inscrire davantage dans une démarche d’accueil.
Économiquement, la contribution des immigrés à l’économie rwandaise est croissante, d’après une note de l’OCDE publiée en 2018, en collaboration avec l’Organisation internationale du travail et l’UE. En effet, Contrairement à de nombreux autres pays en développement, les immigrants au Rwanda sont en moyenne plus instruits, travaillent dans des secteurs plus productifs et « contribuent davantage en impôts qu’ils ne reçoivent en prestations gouvernementales, ce qui a un effet positif sur le solde budgétaire » du Rwanda.
Cerise sur le gâteau, le Royaume-Uni a promis au Rwanda d’investir dans un premier temps 120 millions de livres sterling (145 millions d’euros) pour aider à la mise en place du projet, avec la possibilité d’augmenter ces montants si le programme s’avère un succès.
Mais Kigali réunit-il vraiment les conditions adéquats pour un séjour et une insertion parfaite des migrants venus du Royaume-Uni?
Pour les nouveaux arrivants, qui décideront de rester sur place, Kigali promet le droit automatique de travailler, de créer des entreprises, d’accéder à tous les services disponibles, dont une mutuelle de santé et de faire partie de la communauté rwandais. Mais ce petit pays de 12 millions d’habitants est-il vraiment capable d’offrir de tels avantages ?
Pour commencer, le pays de Paul Kagame accueille déjà plus de 130 000 réfugiés non seulement de la région des Grands Lacs, mais aussi d’Afghanistan, de Libye, et d’Ukrainiens récemment déplacés. Avec à la clé, une réinstallation réussie de manière habile, selon les spécialistes.
Ensuite, le Comité pour la protection des droits des travailleurs migrants avait salué le 27 septembre 2021, le rapport périodique du Rwanda sur la mise en œuvre de la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des Conventions internationales sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, ses grands accomplissements en matière de droits de l’homme et ses réformes visant à garantir pour l’accueil de dizaines de milliers de réfugiés.
Ainsi, bien que des progrès soient encore réalisables dans ce pays qui ne tolère pas une opposition à son régime ; le Rwanda se définie tel un pays sûr, sécurisé, avec une gamme d’institutions qui ont évolué et se sont développées au fil du temps.