Les Etats Unis ont ouvert ce dimanche 10 janvier, une représentation diplomatique au Sahara occidental. Cette démarche fait suite à la normalisation des rapports entre Israël et le Maroc en échange de laquelle les États-Unis avaient reconnu la « marocanité » du territoire disputé du Sahara occidental. Qu’est-on en droit de penser si l’on sait que la question du Sahara occidental est une équation des relations interafricaines ?

La question du Sahara occidental, une très vieille histoire de désamour

Au début du XXème siècle, la France et l’Espagne se partagent le Maroc. Une majeure partie du territoire est sous le “protectorat” français.  L’Espagne occupe le Rif, la province du nord (sans Tanger, transformée en ville internationale) mais aussi le sud, là où le Sahara rejoint l’Atlantique (alors appelé le Sahara espagnol). Ce dernier territoire, bien qu’étant désertique est large de 266.000 km2. Dans les années 1970, l’Espagne se retire du territoire juste après la chute du régime franquiste. La Mauritanie revendique le territoire, le Maroc évoque les vieilles allégeances que les chefs des tribus nomades du désert prêtaient à ses sultans et réclame sa souveraineté sur le territoire. Les autochtones, le peuple Sahraoui n’est pas d’accord et ses représentants le Front Polisario entendent faire reconnaître le droit à l’autodétermination du peuple.

Le 6 novembre 1975, avant que le Front Polisario puisse monter en tribune à l’ONU pour clamer le droit à l’autodétermination du peuple Sahraoui, le roi Hassan II initie la marche verte. Elle a consisté en l’occupation inoffensive et non armée du territoire par quelque 350.000 marocains (femmes, enfants et personnes âgées compris. Le territoire sera finalement partagé entre le Maroc et la Mauritanie.

Lire aussi :Ethiopie : comprendre le conflit du Tigré

Le Front Polisario proteste alors contre ce qu’il considère comme un coup de force. Elle proclame la République arabe sahraouie démocratique (RASD) et la guerre éclate. Le Front Polisario est soutenu par l’Algérie, la Lybie proches du camp soviétique dans un contexte de guerre froide tandis que le Maroc est soutenu par les américains. En 1979, le Polisario récupère la partie mauritanienne du gâteau saharien (20% du territoire convoité). En réponse, la Maroc érige en 1980 un immense mur de 2.700 km, soigneusement gardé par ses soldats jusqu’à ce jour. En 1991, un cessez-le-feu onusien intervient pour régler juridiquement un problème aux relents très politiques.

Une guerre diplomatique…

La guerre est aussi vive dans le monde diplomatique. En 1982, l’Algérie parviendra à faire intégrer la RASD à l’Organisation de l’Unité Africaine (actuel Union africaine), déclenchant ainsi les courroux du Maroc qui quittera l’organisation en 1984 (pour y revenir en 2017). A ce jour, la question reste irrésolue. Le mur marocain est toujours là. Prévu pour 1992, un référendum d’autodétermination est toujours attendu. Toujours malaisée dans les salons de l’Union africaine qui ne manque pas de proposer des solutions, la question du Sahara occidental a été l’une des tumeurs tragiques à la moribonde Union du Maghreb Arabe.

…mais aussi économique

Il ne faut pas aussi négliger que derrières les élans patriotiques et les appuis extérieurs se cachent des intérêts économiques. Au bas mot, le Sahara occidental, renferme des gisements importants de phosphate et un littoral qui passe pour être le plus poissonneux du monde. Ce qui conforte la convoitise des Etats impliqués dans la crise de longue durée.

Un accord qui vient redistribuer les cartes du jeu ?

Le geste diplomatique américain s’inscrit dans le cadre de l’accord tripartite signé le 22 décembre par les Etats Unis, l’Israël et le Maroc, actant une reprise officielle des relations diplomatiques entre le Maroc et l’État hébreu, avec une reconnaissance américaine de la souveraineté de Rabat sur le Sahara occidental. Les choses vont désormais vite : la nouvelle carte du Maroc intégrant le Sahara occidental (légitimant ainsi sa présence sur le territoire) a été adoptée par Washington trois jours après l’annonce de l’accord. La présence des Etats Unis dans le Conseil de Sécurité des Nations Unies donne une dimension toute nouvelle au conflit et une portée significative à la reconnaissance internationale de la souveraineté territoriale du Maroc sur le territoire litigieux. Ceci peut être considéré comme une victoire diplomatique du Royaume.

Lire aussi : Mali: “La Cedeao a raté une occasion de se taire”

Vers une exclusion de la RASD de l’Union Africaine ?

Il est certain que la reconnaissance par les Etats Unis de la souveraineté ne manquera certainement pas de consolider la division des blocs au sein de l’Union africaine. Le bloc pro-marocain et le bloc pro-RASD.  D’autres Etats membres de l’Union Africaine ont eu la même démarche que les Etats Unis. Ces derniers mois, une vingtaine de pays -dont les Comores, le Liberia, le Burkina Faso – ont ouvert des représentations diplomatiques à Dakhla ou à Laâyoune (nord), au grand dam du Polisario qui considère ces événements comme contraire au droit international.

Depuis le retour du Maroc à l’UA, les grandes réunions de l’institution sont désormais le théâtre d’incidents diplomatiques au cours desquelles les diplomates du Maroc et de la RASD peuvent en venir aux mains. Une vingtaine de consulats étant ouverts dans la région, il n’est pas exclu que Maroc mobilise en lors du sommet du 6 février 2021 assez de voix pour exclure les séparatistes de l’organisation. Pour cela, les statuts imposent que les 2/3 de ses membres votent en faveur de la requête qui sera déposée, soit pour exclure cette entité, soit pour changer les statuts. Une requête nécessitant un minimum de 37 voix sur les 55 que compte actuellement l’organisation continentale.

Ces événements posent, non seulement la question de l’avenir de la République Arabe Sahraouie Démocratique dans le concert des nations, mais aussi celle de la configuration des relations diplomatiques entre les Etats africains dans le cadre de l’Union Africaine. L’Union Africaine saura-t-elle mieux gérer la question que son ancêtre l’OUA ? La question de manque pas d’intriguer, tant les juristes que les politistes et les conjectures ne manquent pas. Nous y reviendrons certainement.

Commentaires depuis Facebook

Laisser un commentaire