Au lendemain de la présence du Président togolais, Faure Gnassingbé, aux côtés du président français Emmanuel Macron lors de l’inauguration de la cathédrale Notre-Dame de Paris après sa rénovation, c’est la présidence de Lomé qui a diffusé les premiers clichés de l’événement.

On y voit Faure Gnassingbé dans des moments d’apparente proximité avec Emmanuel Macron et le couple présidentiel français, ainsi qu’avec deux invités de marque. Le président américain élu, Donald Trump, semble le saluer chaleureusement, tandis que le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, est visible au même rang que lui lors de cette cérémonie. Ces photos soigneusement sélectionnées visent clairement à envoyer un message précis.

Une stratégie de visibilité diplomatique

L’un des objectifs de Faure Gnassingbé en acceptant l’invitation d’Emmanuel Macron semble être d’utiliser cette plateforme mondiale pour promouvoir sa diplomatie, présentée comme le principal atout du Togo ces dernières années.

Avec Emmanuel Macron, Faure Gnassingbé cherche à se positionner comme l’ami des ennemis de certains pays africains membres de l’AES, notamment le Mali, le Burkina Faso et le Niger, des nations qui ont connu de graves tensions diplomatiques avec la France. Il convient de rappeler que, pour Faure Gnassingbé, l’ennemi de mon ami peut devenir mon ami. D’ailleurs, lors de la crise qui a opposé la CEDEAO aux pays de l’AES, le Togo, sous la direction de Faure Gnassingbé, a su maintenir ses relations avec tous les pays en désaccord au sein de la sous-région.

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Faure Gnassingbe et Emmanuel Macron à Paris

Cette amitié affichée avec Emmanuel Macron a un objectif clair : se positionner comme le principal interlocuteur entre la sous-région ouest-africaine et la France, un pays qui perd de plus en plus la bataille de l’opinion en Afrique.. 

Avec Donald Trump, président élu des États-Unis, effectuant son premier voyage à l’étranger avant sa prise de fonction en janvier 2025, Faure Gnassingbé a vu une occasion stratégique. En apparaissant parmi les rares chefs d’État africains à avoir rencontré, échangé et posé aux côtés de Donald Trump, le président togolais cherchait à renforcer son image internationale.

Faure Gnassingbé sait que ses chances d’être invité officiellement par Donald Trump à la maison blanche sont faibles, car l’ancien président américain n’a jamais manifesté un grand intérêt pour une politique extérieure fortement axée sur l’Afrique. Lors de son premier mandat (2016-2020), Donald Trump n’a effectué aucune visite officielle dans un pays africain. À la Maison-Blanche, il n’a reçu qu’un seul chef d’État africain, Muhammadu Buhari, en avril 2018, et cette rencontre avait principalement pour objet des discussions d’ordre économique et commercial.

Ainsi, le simple fait de serrer la main de celui qui deviendra de nouveau le président de la plus grande puissance économique et militaire du monde constitue un atout non négligeable pour étoffer les pages du CV présidentiel de Faure Gnassingbé.

Concernant Zelensky, Faure Gnassingbé se trouvait assis au même rang que l’homme qui capte l’attention du monde entier depuis l’invasion de son pays par la Russie. Un pays qui bénéficie du soutien massif de l’Europe et des États-Unis.

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Faure Gnassingbe et Volodymyr Zelensky

Faure Gnassingbé a sans doute voulu profiter de cette position pour affirmer son importance sur la scène diplomatique et souligner la place qu’il occupe sur la scène internationale

Un bilan démocratique contrasté

Cependant, sauf erreur ou hypocrisie diplomatique, il est évident que le président togolais intéresse peu les nations en quête de stabilité démocratique. Faure Gnassingbé n’est pas un modèle en matière de respect des normes démocratiques. Arrivé au pouvoir en 2005 de manière controversée, il aura cumulé plus de mandats présidentiels que tout autre dirigeant de la sous région. En 2025, il totalisera 20 ans à la tête du pays, un record que peu de ses homologues à Paris pourraient envisager, car leurs constitutions leur interdisent de telles durées. De plus, depuis le 6 mai 2024, le Togo a fait la transition de la quatrième à la cinquième République, basculant ainsi vers un régime parlementaire.

Cette transition a été brusque et critiquée par l’opposition et la société civile togolaise. Malgré les vives protestations qui ont secoué l’opinion publique, Faure Gnassingbé a maintenu sa constitution. Pour l’opposition, ce changement offre à Faure Gnassingbé un terrain favorable pour se maintenir au pouvoir. Selon l’article 47 de la nouvelle constitution, le chef du parti majoritaire ou du principal parti de la coalition à l’Assemblée nationale, après la proclamation des résultats définitifs des élections législatives, devient le Président du Conseil. Étant président du parti Unir, majoritaire à l’Assemblée nationale, Faure Gnassingbé est donc bien positionné pour devenir le prochain Président du Conseil des ministres, un poste qui n’a pas de limite de mandat.

À un moment où les peuples du monde entier réclament de plus en plus leur liberté et une plus grande autonomie, on pourrait dire que le Togo évolue sur une braise ardente, avec un président qui semble mettre tout son poids sur sa diplomatie.

Il est important de clarifier les choses. La proximité affichée entre Emmanuel Macron et Faure Gnassingbé n’est pas le fruit de convergences politiques ou démocratiques. Emmanuel Macron cherche avant tout à s’afficher avec l’interlocuteur direct des pays membres de l’AES, afin de signaler sa volonté de reprendre des collaborations avec eux. Non, le message n’était pas de célébrer un chef d’État exemplaire, car le Togo ne répond pas à toutes les exigences d’une gouvernance exemplaire.

Les scores internationaux du Togo

Indice de démocratie de l’Economist Intelligence Unit (EIU) :

Cet indice classe les pays selon plusieurs critères tels que le processus électoral, le pluralisme, le fonctionnement du gouvernement, la participation politique, la culture politique et les libertés civiles. Le Togo est régulièrement classé parmi les “régimes autoritaires” ou à la limite des “régimes hybrides”. Bien que des progrès aient été réalisés, les élections présidentielles et législatives sont fréquemment critiquées pour leur manque de transparence et d’équité.

Indice Ibrahim de la Gouvernance en Afrique :

Ce classement, élaboré par la Fondation Mo Ibrahim, mesure la gouvernance, incluant la démocratie, la justice et la participation citoyenne. En 2022, le Togo figurait dans la seconde moitié des pays africains, montrant des progrès dans certains domaines, comme les infrastructures et la santé, mais avec des lacunes notables en matière de droits humains et de participation démocratique.

Freedom House :

Cet organisme évalue la liberté dans le monde en analysant les droits politiques et les libertés civiles. Le Togo est souvent classé comme “partiellement libre”. Les critiques portent sur les restrictions à la liberté de la presse, les limitations des droits de l’opposition et des réformes constitutionnelles jugées insuffisantes pour garantir une démocratie robuste.

Faure Gnassingbé est bien conscient de ces scores. Et c’est précisément pour camoufler ces failles que l’on pourrait avancer que le président togolais cherche à gagner une légitimité internationale en misant sur une diplomatie axée sur la résolution des conflits entre les États d’Afrique de l’Ouest. Ce pari, il le réussit notamment grâce à sa longévité au pouvoir et à l’influence qu’il a acquise.

Toutefois, pour qu’il puisse véritablement mériter le respect sur la scène internationale, il lui faudrait également prouver son engagement envers des pratiques démocratiques plus solides.

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