Depuis le 4 novembre 2020, un conflit secoue la région tigréenne en Ethiopie, sur fond de dissidence et de rébellion du parti majoritaire en région tigréenne contre le pouvoir du Premier ministre Abiy Ahmed. Depuis cette date, l’armée éthiopienne est en conflit avec le Front de libération du peuple du Tigré. Quelle est l’origine de ce conflit du Tigré et quelles sont ses implications dans les relations du pays avec la région et l’international?
Quelle est l’origine du conflit du Tigré?
La crise du Tigré la résultante de la rébellion du Front de libération du peuple du Tigré (en anglais Tigray People’s Liberation Front, TPLF) à l’encontre du gouvernement fédéral du Premier ministre Abiy Ahmed. En réalité, l’idéologie de ce dernier est de mettre fin au système politique ethnocentré en vigueur dans le pays depuis 1994. En effet, l’ethnie tigrigna, malgré sa faible population (6%) avait un pouvoir important, conféré par les mandats successifs du tigréen Meles Zenawi, premier ministre de 1995 à sa mort en 2012. Cela entraînera par conséquent un affaiblissement de l’autorité de l’ethnie tigréenne et par ricochet, celle du parti TPLF.
En 2018, le pays est sécoué par des crises troubles socio-politiques dont les tentatives de résolution porteront Abiy Ahmed au poste de Premier ministre. Celui-ci se lancera rapidement dans un vaste programme de réformes, dont la libération de dissidents, une ouverture de l’espace démocratique ainsi que le retour à la paix avec l’Érythrée voisine. Cette dernière prouesse lui vaudra une importante popularité et l’obtention, le 11 octobre 2019, du prix Nobel de la paix. Ce dernier caresse un projet, celui de réformer le FDRPE (Front démocratique révolutionnaire du peuple éthiopien) en une structure nationale centralisée, celui-ci étant composé de quatre partis ethno-régionaux implantés indépendamment les uns des autres dans les régions des Oromo, des Amharas, des Tigréens et des peuples du sud. Ceux-ci sont ainsi fusionnés en une seule formation : le Parti de la prospérité, à l’exception du Front de libération du peuple du Tigré (FLPT), qui refuse son incorporation.
Le malaise évoluera désormais sous fond ethnique, car le Premier ministre est issu de l’ethnie la plus importante (oromo). Le FLPT se rangera désormais dans l’opposition et se rapprochera de l’Erythrée.
L’escalade du conflit
En septembre 2020, le Tigré a organisé ses propres élections législatives et ce, malgré l’interdiction du gouvernement justifiée par le COVID-19. Cela déclenchera une réaction véhémente du cabinet du premier ministre. Le FLPT devient séparatiste, puis lance le 4 novembre 2020 une attaque contre des bases des Forces de défense nationale éthiopiennes à Mekele, la capitale du Tigré, et à Dansha, une ville de l’ouest de la région. Depuis ce moment, la situation dans la région s’est aggravée. L’armée éthiopienne est déployée dans la région et des affrontements ont lieu entre l’Etat régional du Tigré et le gouvernement fédéral. Les dirigeants du TPLF ont battu en retraite début décembre mais assurent vouloir lutter « jusqu’à la mort », faisant craindre une guérilla de long terme.
Quelles conséquences du conflit du Tigré sur l’économie et les rapports internationaux ?
Si une solution pacifique n’est pas trouvée entre l’Etat fédéral et l’Etat régional tigréen, le conflit risquera de réveiller les vieilles tensions avec l’Erythrée. Il faut sans doute également rappeler la dynamique conflictuelle de l’Ethiopie avec ses voisins tels que la Somalie et le Djibouti. Par ailleurs, il ne faudra pas négliger la mésentente avec l’Egypte et le Soudan, provoquée par l’ambitieux projet de barrage sur le Nil (baptisé Grand barrage de la renaissance), initié par le Premier ministre Abiy Ahmed.
En dehors de cela, l’impact économique n’est pas négligeable. En effet, la région tigréenne est riche en vestiges et sites touristiques (vestiges du royaume aksoumite et nombreux monastères orthodoxes), qui sont l’attraction de nombreux touristes chaque année. Le secteur du tourisme du pays entier est en berne car 85% des voyages passe par le Tigré. Même si le Premier ministre affirme depuis le 13 décembre que les combats sont terminés, plusieurs sources concordent pour affirmer que le risque sécuritaire est toujours bien réel et que les affrontements persistent. Les rapports de l’Ethiopie avec ses partenaires en prennent un coup. L’Union européenne (UE) a été la première à menacer l’Ethiopie de sanctions financières, en suspendant le versement de 88,5 millions d’euros destinés à des projets d’infrastructures logistiques et de soutien au budget de la santé.
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L’accès libre de la zone est refusée aux journalistes et humanitaires et l’information est difficile à obtenir, ce qui entache la crédibilité du Premier ministre. Et la controverse est désormais grande au sujet de la nouvelle réputation de chef de guerre attribué au prix Nobel de la paix.