Dans un discours prononcé devant les Forces armées françaises le 19 janvier 2021, le président français, Emmanuel Macron, a évoqué l’avenir de la présence française dans le Sahel. Selon ce dernier les troupes françaises présentes au Mali devront subir un « ajustement », dans un délai qui n’a pas été précisé.
Et pourquoi un tel ajustement ?
Selon les autorités françaises, cette décision serait motivée par les succès obtenus par les militaires français dans le Sahel en 2020. En effet, plusieurs chefs terroristes auraient été abattus. Par ailleurs, la mise sur pied de la force Takuba censée regrouper les forces spéciales de plusieurs pays européens devrait permettre de renforcer la lutte contre le terrorisme dans la région.
La cause serait-elle plutôt ailleurs ?
Tout porte à croire que la cause de la réduction des troupes serait plutôt ailleurs. En réalité, ces annonces interviennent dans un contexte difficile pour la coopération française avec les pays du Sahel plus précisément le Mali. Ces derniers mois, des contestations populaires anti-Barkhane se sont multipliées.
Les contestataires estiment que la présence militaire française obéit à un agenda caché voire néocolonial. La posture des présidents des pays de l’Afrique francophone dans leurs rapports avec la France est souvent loin de refléter leurs opinions publiques. C’est particulièrement au Mali, où la société civile se montre de plus en plus acerbe dans ses rapports avec l’État. Une bonne partie de cette société civile estime que le peuple est trahi par des politiciens acquis à la cause de l’ancien colonisateur. Même les religieux considèrent le maintien de cette force comme une forme d’ingérence occidentale
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Des chefs d’Etat en souffrance de légitimité ?
L’opinion publique malienne pense que les chefs d’Etat de la région devraient rechercher l’appui de leurs homologues sahéliens plutôt que e se tourner vers la solution française. Une partie de l’opinion y voit une manifestation de l’absence de poids politique et décisionnel face à la France et du déficit de légitimité auprès de leurs propres populations.
La question de l’efficacité des forces étrangères, des intérêts en jeu ?
L’opération Serval, qui a précédé Barkhane dans le nord du Mali, fut pourtant une réponse très efficace face à une situation d’urgence qui menaçait l’existence même de l’État malien. Cette opération avait été perçue positivement par une grande partie des maliens. Mais face à la gestion du cas de Kidal par l’armée française, les Maliens sont devenus méfiants. Beaucoup auraient finalement conclu que la France n’intervient dans le pays que pour ses propres intérêts politiques, économiques et stratégiques inavoués, surtout qu’elle est le seul Etat qui se soit engagé. Ils estiment qu’elle participe à la déstabilisation du Mali pour légitimer sa présence. Cette position est confortée par le parti pris français des ex-rebelles Touaregs dans le conflit qui les oppose à l’État malien. Le sentiment de méfiance s’est alors épaissi.
La France détiendrait la clé du problème malien ?
L’annonce par Emmanuel Macron de la visite prochaine du premier ministre malien à Kidal, lors de sa rencontre du 12 novembre 2019 avec les présidents du Mali, du Niger et du Tchad avait renforcé les suspicions selon lesquelles la France aurait le contrôle. Sachant les difficultés qu’ont les autorités maliennes à s’y rendre, y compris les personnalités au premier plan de l’État et le fait que ce soit le président français qui ait fait l’annonce en premier a ravivé les suspicions.
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Opprobre jeté sur toutes les forces étrangères
Au-delà de la France, la méfiance concerne toutes les forces d’intervention extérieures. La force onusienne de maintien de la paix est ainsi pointée du doigt. Malgré sa présence, la situation sécuritaire s’est toutefois dégradée, avec les répercussions sur les populations civiles, notamment dans le centre du Mali.
Il faut aussi signaler que beaucoup de maliens ne comprennent pas le mandat d’une mission de maintien de la paix. En réalité, la mission de celle-ci se limitait à protéger les civils et faciliter le dialogue entre les protagonistes (l’État malien et les divers groupes armés). Seulement, les récentes attaques meurtrières, avec leurs records de victimes parmi les civils, notamment les enfants, n’ont pas aidé à rassurer l’opinion.
Appel à une meilleure communication sur l’opération Barkhane
Sachant le caractère meurtrier des attaques sur le terrain, il semble clair que les manifestations d’hostilité ne soient rien d’autre qu’un appel demandant à Barkhane et à la MINUSMA de justifier leur présence sur le terrain.
Il faudra néanmoins attendre le prochain sommet conjoint de la France et des pays du G5 Sahel en février à N’Djamena, la capitale du Tchad, pour avoir des décisions concrètes et définitives concernant l’opération Barkhane.