L’incontournable journaliste d’investigation togolais Ferdinand Ayité a présenté ses excuses aux Ministres Pius Agbetomey du Ministère de la justice et Kodjo Adedje du commerce. Le directeur de publication du journal “l’Alternative” et son collègue Joel Egah patron du journal “Fraternité” acceptent donc avoir diffamé ces autorités lors de l’émission “l’autre journal” diffusée sur la chaine YouTube “l’Alternative Tv”. Mais à la lecture minutieuse de cette vidéo de 7min truffée de phrases hésitantes et des nonchalances dans les gestuels, on peut déduire qu’au delà de ces excuses se cacheraient bien assez de non dits. Ferdinand Ayité aurait il été contraint de présenter ses excuses?
Ceux qui le connaissent n’en reviennent pas. Depuis hier la toile est presque silencieuse. Les rares commentaires qui échappent des esprits louent la grandeur d’esprit de l’homme, le journaliste critique du régime Eyadema et Faure Gnassingbé. Pour une fois, Ferdinand reconnait avoir fauté. Mais on parle de Ferdinand Ayité
Le député Gerry Taama écrira sur sa page Facebook “Mais il s’agit de Ferdinand Ayité quoi ! L”intrépide journaliste, détenteur de tous les secrets, au flair infaillible, et qui, pendant des années, a tenu le haut du pavé grâce à ses certitudes”
Un homme du rang de Ferdinand ne peut il pas se tromper? humainement parlant l’on peut répondre par l’affirmatif. Mais Ferdinand fait partie de ces journalistes qui restent droit dans leur botte peu importe ce qui se passe. Ferdinand Ayité a vendu aux togolais qu’il sait rester cohérent, responsable de ses propos et conséquent dans ses raisonnements.
“Lorsqu’on vous jette en prison pour une bonne cause vous en sortez toujours grandi et respecté. Je comprends l’indignation des uns et des autres mais c’est aussi les risques de notre métier. Aujourd’hui je sors de cette prise d’otage de 21 jours plus déterminé qu’avant parce que je suis convaincu que notre pays à plus que besoin de journalistes indépendants pour porter la voix des opprimés et des faibles” voici les premières phrases du journaliste après sa libération. Aujourd’hui Ferdi, comme ses proches aiment l’appeler, se répand d’avoir défendu “une bonne cause”. que s’est il donc passé?
Des scénarii plausibles
A la lecture de la vidéo qui aura duré 7 min et 31 secondes, on fait des analyses toutes logiques. Le regard du journaliste est fuyant. Il avaient bien de la peine à fixer la caméra et même le présentateur de l’émission. Pour une fois Ferdinand avait de gros problèmes avec la rhétorique. L’homme a passé tout son temps à chercher ses mots. l’air hésitant, le journaliste n’a cessé de frotter ses mains contre son pantalon. Autant d’indices et de gestes psychologiques qui laissent croire que le journaliste n’était pas dans sa peau. En homme de média, Ferdinand Ayité sait que la présentation d’excuses se prépare avec des mots justes et promptes, des gestuels adéquats. ça sentait de la précipitation ou encore mieux une obligation. Alors qui aurait contraint Ferdinand Ayité a présenter ses excuses?
Des excuses obligées?
Les regards pourront se tourner vers les deux ministres épinglés par la sortie des deux journalistes. Mais dans le gouvernement de Faure Gnassingbé il est difficile à un ministre nommé de décider d’aller aussi loin dans une affaire pareille, exposant le Togo sous le feu des projecteurs , des critiques de la liberté d’expression et d’opinion dans un pays qui se veut exemplaire à l’international. Il serait difficile pour un ministre d’oser salir le nom du président de la république sans l’aval du chef du gouvernement ou du président. Et d’ailleurs le président de la république n’avait pas manqué de revenir sur le sujet dans son discours à la nation le 30 décembre dernier.
“Les libertés publiques –individuelles et collectives– sont des conquêtes précieuses qui balisent la voie de la construction de notre nation, et chacun d’entre nous doit en être la sentinelle vigilante. L’expression de tous les points de vue est légitime mais elle doit s’inscrire dans le respect des limites définies par la loi, faisant prévaloir le civisme et la courtoisie, en dépit des divergences. Je resterai le garant intransigeant de l’exercice équilibré des droits, libertés et devoirs des citoyens, conformément aux dispositions de la constitution de notre pays” a souligné le président togolais. Faure Gnassingbé aurait il donc pu permettre cette poursuite contre les deux journalistes? difficile de l’affirmer.
L’autre point de cette “contrainte” pourrait être la condition de libération des deux journalistes. Accepter présenter des excuses pour enfin recouvrer sa liberté ou refuser de présenter des excuses pour rester en prison dans des conditions jugées déplorables et inhumaines par des rapports des organisations des droits de l’homme. Ferdinand Ayité pourrait donc avoir pris la décision de céder.
La suite?
Pour le député Gerry Taama, “Ces excuses fendent l’armure d’airain dont il (Ferdinand Ayité) s’est entourée depuis plus d’une décennie, révélant une fêlure qui ne peut que se développer, finissant par la réduire en miette……Ils ont fait preuve d’une grande élévation d’esprit en présentant des excuses, mais désormais plus rien ne sera comme avant”.
Ferdinand Ayité, osons le dire, a perdu une partie de sa bataille. Désormais, l’on le connait faillible. Il devient ce journaliste qui pourrait toujours revenir demander pardon si une menace assez lourde pesait sur sa tête. L’on peut aussi aller à remettre en cause ses prises de paroles et révélations dans ces sorties passées. L’on peut déduire aujourd’hui que Ferdinand Ayité n’a toujours pas été aussi sûr de ses investigations avant publication. Aussi une interrogation se pose sur sa détermination à dénoncer les malversations du pouvoir politique, rôle du journaliste dans une république.
Ferdinand Ayité était l’espoir et la référence pour le journalisme d’investigation au Togo. Alors si sa détermination a été en partie déplumée par le régime qu’il combat, les autres journalistes auront difficilement de la peine à oser se lancer dans ce genre journalistique au Togo.
Quid de la vulnérabilité du gouvernement togolais
En traitant ce sujet avec autant “d’acharnement” et de détermination, le gouvernement a montré aux yeux qu’il reste vulnérable. Les ministres de Faure Gnassingbé ont prouvé qu’ils n’ont jamais digéré les critiques contre leur forme de gestion des ministères. De même le président de la république pourrait laisser croire qu’il n’accepte pas les critiques les plus acerbes contre sa personne.
Mais au regard des prises de paroles des journalistes dans les pays dits démocratiques sans être inquiétés, au regards des critiques les plus acerbes lancés contre des pouvoirs des pays sans réponses, on se demande si le Togo est vraiment prêt pour la démocratie